Un Noël pas comme les autres
Noël 2015 ne sera pas comme les autres, qu’importe toute notre détermination à faire qu’il en soit autrement. Les traditionnels Marchés de Noël des grandes villes se déroulent sous haute protection, les places principales accueillent toutes des lieux de recueillement pour les victimes des attentats de Paris de novembre, les visages se crispent au moindre bruit suspect, et, pour les plus conscients, restent graves sous une apparente légèreté. La menace d’un nouvel acte terroriste pèse comme un épais nuage dans le ciel illuminé des festivités de décembre.
Les conversations que l’on peut saisir au vol manifestent surtout une vive réaction émotionnelle, un sentiment d’impuissance – littéralement de terreur – devant l’irruption d’une supposée barbarie aveugle, folle, à laquelle il serait impossible de donner un sens. D’autres, plus rares, s’interrogent avec humilité et courage sur notre possible part de responsabilité collective dans cette situation. Pour les historiens, le rétablissement du califat sunnite est une réponse politique à une série d’humiliations infligées aux peuples arabes par l’Occident, allant des dommages liés à la colonisation jusqu’à des destitutions/exécutions dégradantes de leurs chefs. Dans cette logique, la rhétorique islamique n’est qu’une instrumentalisation de la religion dans le but de lever une armée.
Si les psychologues soulignent également la prédominance des diverses humiliations subies par les candidats au jihad comme facteur déterminant, on aurait tort d’écarter la dimension religieuse selon le sociologue Michel Maffesoli, pour qui « le prétexte religieux du terrorisme exprime une soif de l’infini que le matérialisme occidental n’a pas su prendre en compte ». Selon lui, il ne faudrait plus parler de « l’esprit du temps » mais du temps de l’esprit, caractérisé par le besoin d’une authentique spiritualité et de communions émotionnelles autour de valeurs « sacrées ». C’est ce besoin de sacré que notre société devrait s’efforcer d’accompagner, au lieu d’opposer à un fanatisme dévot un fanatisme athée. Car, rappelle Maffesoli, c’est en déniant les rêves qu’ils se transforment en cauchemar.
Ainsi, ce Noël pas tout à fait comme les autres pourrait être une occasion de renouer avec le sens spirituel de cette belle fête chrétienne, dont la signification profonde est la naissance du Christ dans la caverne du cœur, en chacun de nous. Laisser advenir cet événement signifie s’ouvrir à un nouveau sens des responsabilités par une conscience aigüe de l’interdépendance de tous les êtres. Ainsi pourrions-nous faire de ce Noël une vraie fête de la fraternité.
Publié le : 16/12/2015