S’individuer, pour le meilleur et la crise
Dans leur sens courant, il n’existe aucune distinction entre les concepts d’individuation et d’individualisation, les deux termes désignant un même processus qui consiste à se différencier des autres en développant des caractéristiques propres. C’est le psychanalyste C.G. Jung qui a poussé au plus loin l’idée d’individuation des philosophes en l’associant à la notion du Soi de l’hindouisme, ouvrant par-là à l’Occident les chemins de l’accomplissement spirituel dessiné depuis des millénaires par l’Orient.
L’individualisation consiste en cette première étape de différenciation où se développe le sentiment d’un ego – conduisant à l’égoïsme et à l’individualisme – étape encore confortable parce qu’elle ne remet pas en cause les valeurs de la société mais se les approprie à son seul profit. Il en va tout autrement lorsque commence le véritable processus d’individuation, car se connecter à son intériorité, c’est aussi commencer à penser et à remettre en question tous les aprioris qu’on avait acceptés jusque-là par commodité.
Car que se passe-t-il, par exemple dans une famille (mais cela vaut pour n’importe quel groupe social d’appartenance), lorsqu’un de ses membres refuse de mener sa vie en conformité avec les valeurs familiales dominantes ? D’une manière ou d’une autre – le plus souvent psychologiquement, mais cela peut aussi être plus concrètement – il en est exclu. Il faut alors trouver en soi le courage d’une solitude assumée, qui est le prix à payer pour pouvoir poursuivre l’aventure de l’individuation. Ce positionnement « dans le monde, mais pas de ce monde » constitue toujours une crise, y compris dans son sens étymologique de choix, puisque c’est à chaque instant qu’il faut réaffirmer son choix pour ne pas trahir sa propre cause.
Plus un être est individué – relié à son essence profonde – moins il est individualiste, comme le démontrent toutes ces grandes figures qui, au fil de l’histoire, ont dédié leur vie au bien de l’humanité et l’ont marquée de leur génie. C’est pourquoi cette voie qui peut, à ses débuts, prendre le masque de l’égoïsme, est en réalité tout le contraire. Elle est même la seule possibilité, pour l’humanité, d’accéder à la paix mondiale. Car plus nombreux seront les êtres individués, plus intense sera la crise mondiale qui forcera la porte à l’avènement de l’Homme nouveau.
Publié le : 06/05/2015