Peut-on s’empêcher d’anticiper ?
Les sages nous y invitent, car l’anticipation est un mouvement du mental qui transporte hors de soi, que ce soit sur les ailes du désir ou sur celles de la peur. Mais c’est aussi un don qui fait toute la grandeur de l’homme en ce qu’il nous permet de bâtir un avenir à la mesure de notre imagination créatrice. Tout ce qui a été accompli de grand dans le monde a d’abord été rêvé.
Les mécanismes d’anticipation se déclenchent toujours en situation de crise, en réponse à une incertitude. Ils s’appuient sur ce qui est connu – la passé et le présent – pour en déduire une évolution possible. Mais ne sommes-nous pas constamment, d’une certaine manière, en état de crise ? Assaillis en permanence par des informations venues de l’extérieur ou surgissant de notre mémoire, qui soit nous menacent ou nous donnent de l’espoir, notre mental ne cesse de se projeter vers un futur proche ou lointain probable. Nous marchons constamment sur des sables mouvants, aspirant à une délivrance.
La crise peut aussi être plus profonde, spirituelle, née d’un profond mécontentement de ce que nous sommes ici et maintenant. L’anticipation nous permet alors d’imaginer ce que nous pourrions être demain, à partir des connaissances que nous possédons. L’anticipation nous permet de construire l’image intérieure de l’idéal vers lequel nous tendons et qui mobilisera toutes nos ressources.
Si la faculté d’anticipation est inhérente à tout progrès, elle peut aussi nous desservir si elle se met au service de la peur. Capable d’échafauder les pires scénarios, notre imagination devient alors notre plus grand ennemi. C’est surtout dans ce cas de figure que nous aspirons à nous libérer de cette tendance naturelle de notre mental à nous projeter vers des possibles.
Notre conscience oscille le plus souvent entre mémoire et anticipation, qui sont comme les deux jambes sur lesquelles nous avançons. Mais parfois, dans des circonstances propices ou par une pratique consciente de la méditation, survient un état d’être qui n’appartient ni à l’une ni à l’autre. Les sages l’appellent l’éternel présent.
Publié le : 28/01/2015