Peut-on se libérer de la souffrance ?
Si la souffrance a de multiples visages que nous pouvons reconnaître au fil des circonstances, il en est un qui demeure le plus souvent masqué car lié à notre condition même d’être incarné. Le masque d’un bien-être artificiel ou mimé nous permet de fonctionner « normalement » dans la vie, c’est-à-dire de répondre aux diverses sollicitations de manière optimale ou du moins satisfaisante.
S’il est tout à fait possible de passer une vie entière avec ce masque, il commence cependant à s’ébrécher dès lors que nos occupations et distractions ne sont plus à même de nous combler, et que derrière le vide laissé par des sentiments d’insatisfaction et de lassitude, suinte l’angoisse du sens donné à sa vie. Ce mal-être ou souffrance existentielle a inspiré nombre d’œuvres littéraires et constitué un champ de recherche fécond pour les sciences humaines, sans pour autant donner des clés de guérison.
Cette dernière relève du domaine des enseignements spirituels qui en font une proposition de base, comme par exemple le bouddhisme qui parle autant de libération du cycle des incarnations que de libération de la souffrance. La souffrance inhérente à la condition incarnée est celle de la séparation d’avec le Tout. Cette phrase reste cependant pure théorie tant qu’on n’a pas commencé, par la pratique de la méditation ou par des expériences mystiques spontanées – comme être transporté par un paysage éblouissant, une musique sublime, etc. – à éprouver l’union.
Tous ceux qui parcourent ce chemin témoignent des nombreux moments de joie profonde qui le jalonnent. Mais la souffrance a-t-elle pour autant disparu de l’horizon de notre perception sensible ? C’est oublier que le Tout contient l’Humanité, une humanité qui se débat dans « la vallée des larmes », selon l’expression des textes mystiques, et à laquelle un méditant est relié plus que tout autre, avec une lucidité qui contient sa propre souffrance.
La différence entre cette forme de souffrance et celle liée à l’ego est que la première n’exclut pas la joie. On pourrait l’illustrer par cette image : une âme emprisonnée dans l’ego se débat au bord d’un marécage, une âme qui chemine vers la libération est en train de gravir une montagne, en découvrant des horizons de plus en plus vastes.
Publié le : 27/05/2015