Peut-on en finir avec la psychologie ?
C’est le vœu, sous forme de provocation, de l’ancien psychanalyste et philosophe François Roustang, qui dénonce l’introspection morbide de la psychanalyse et l’impasse à laquelle conduit la complaisance envers la plainte entretenue par les praticiens. Refusant jusqu’au préfixe psycho devant le mot thérapeute – parce que le corps et l’esprit sont un et indissociables – Roustang dénonce surtout l’illusion de parvenir à une connaissance de soi en ressassant le passé, et l’illusion de l’ego même que notre société glorifie mais qui est précisément la cause de notre souffrance. Pour mettre un terme à ce narcissisme dépressif, il oppose à l’introspection l’action, l’éveil au présent qui reconnecte au flux de vie et nous permet d’avancer, démarche plus proche d’un Krishnamurti que de n’importe quelle école de psychologie occidentale instituée.
Roustang s’inscrit en fait dans un changement de paradigme qui a marqué la psychologie dans le tournant du siècle, avec l’essor de la psychologie positive à partir d’un discours du chercheur américain Martin Seligman, en 1998. Le 20e siècle a mis en lumière l’existence de facteurs inconscients, le plus souvent négatifs, qui font de nous ce que nous sommes à un moment donné de notre trajectoire, le 21e siècle naissant dirige ses projecteurs sur ce qui va bien en aidant à reconnaître ce « bien » dans toute situation, et partant de là, sur ce qui peut advenir de meilleur. La psychologie positive a également le grand mérite de nous sortir de notre nombrilisme pathologique en démontrant qu’il n’y a pas d’épanouissement personnel possible sans connexion, d’une manière ou d’une autre, aux autres et au monde, et en ouvrant de nombreuses pistes pour y parvenir avec bonheur.
En quittant la perspective univoque qui l’a caractérisée jusqu’ici, la psychologie renoue avec ses origines philosophiques et étymologiques, elle redevient une science de l’âme, ce vaste monde dont la géographie reste encore largement à découvrir. Carl Jung avait déjà ouvert cette voie sur le plan théorique, mais il a échoué sur le plan empirique en mettant de manière exagérée l’accent sur la nécessité de se confronter à l’Ombre (en partie, l’inconscient personnel freudien) pour accéder à une connexion consciente avec le Soi. Ce voyage vers la totalité de l’être dont Jung pressentait la possibilité et qu’il aspirait à entreprendre de manière scientifique, pourrait-il être mené à réalisation par l’alliance de la psychologie positive – qui ne renierait pas les principaux apports de la psychologie du 20e siècle – et d’une pratique ouverte de la méditation?
Publié le : 04/11/2015