Peut-on se passer de religion ?
La question religieuse pose problème plus particulièrement à la France, considérée comme la patrie des Lumières et de fait imprégnée plus que toute autre nation de ce lourd héritage de la déification de la raison, au détriment d’autres approches, sensible ou émotionnelle/intuitive de la vie. Le courant politique dit de gauche est bien connu pour sa réputation de « bouffeur de curé », mais plus généralement tout ce qui est connoté religieusement ou spirituellement lui est insupportable.
C’est pour le moins un paradoxe quand on sait –mais peu de personnes le savent- que la figure emblématique du socialisme français, Jean Jaurès, était un grand mystique qui avait choisi comme sujet de sa thèse de philosophie la question de Dieu. Sans être chrétien, Jaurès était habité par l’esprit christique qu’il cherchait à incarner dans un socialisme idéal : « qui donnera à tous quelque loisir et en même temps quelque sécurité pour penser, pour rêver, pour s’élever aux régions mystérieuses. L’âme humaine redevenue libre, disponible, cherchera un aliment de vie, et par là le socialisme sera comme le prélude d’une vaste révolution religieuse ».*
Car si on prend le mot religion dans son sens étymologique qui signifie relier, elle est ce besoin de la conscience isolée de se relier à quelque chose de plus vaste qu’elle, à l’humanité dans son ensemble, à la nature, et finalement à cette dimension invisible que toute âme sensible pressent en son cœur. Se relier aux autres – créer du lien social – ne peut se réaliser sans base morale. Or cette dernière, fondement de toute culture, trouve sa source dans les textes sacrés de toutes les religions du monde. La religion est l’assise-même de notre culture.
A chaque âme, sa nourriture. Il est des âmes enfants qui ont besoin d’une direction précise, besoin satisfait par les religions instituées. D’autres ne peuvent déployer les ailes du cœur et de la pensée que dans une spiritualité libre, inspirée de toutes les traditions sans être rattachée à aucune. A chaque âme, sa manière de se re-lier.
*Extrait d’un article paru dans le Monde des Religions « Jean Jaurès, un théologien laïque » (septembre 2014)
Publié le : 08/10/2014