Le Net, un miroir déformant
Si un extra-terrestre cherchait aujourd’hui à connaître l’humanité, à cerner ses penchants, ses goûts, ses orientations idéologiques, l’étendue de son savoir, aurait-il besoin de rencontrer les hommes ? Probablement pas. Il lui suffirait de surfer sur Internet pour avoir un tableau assez précis des conditions de l’humanité et de l’état du monde. Mais il en saisirait surtout un kaléidoscope complexe fait de contradictions et pour peu que son regard soit habitué à contempler d’autres amplitudes – ce qui est fort probable puisqu’il aura réussi à parvenir jusqu’à nous – toute l’étendue de nos illusions.
Internet est une mine d’or pour celui qui possède assez de connaissances pour pouvoir distinguer le vrai du faux, le possible du fantasmagorique. Si le savoir académique reste relativement protégé grâce aux revues sérieuses en ligne, à une entreprise collaborative comme Wikipédia (d’abord critiquée mais aujourd’hui validée par la plupart des universitaires) ou encore « Google Scholar », il n’en est pas de même pour les recherches plus marginales comme les spiritualités. Bien sûr, dans ce domaine, trouver la pépite d’or cachée sous une tonne de boue a toujours relevé de la gageure. Lorsque les librairies ésotériques existaient encore, combien de livres fallait-il compulser avant de tomber sur un enseignement sérieux qui nous permettait d’avancer réellement dans notre quête ? Mais au moins, cette possibilité existait, les enseignements sérieux se trouvaient en rayons et l’intuition pouvait prendre le temps de les reconnaître au fil des pages.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Toute recherche passe par le Net, même si c’est par le bouche-à-oreille qu’une piste nous a d’abord été donnée. Or, même dans une recherche non aveugle, c’est-à-dire en tapant le nom d’un auteur connu, nous tombons avant tout sur des sites de commentaires d’internautes dont le sport favori est l’affirmation de soi par la critique à tout-va, que cette dernière soit dirigée vers l’auteur, l’œuvre elle-même ou le courant dans laquelle elle s’inscrit. Lorsque cette tendance à la critique systématique, qui s’appuie sur une hypertrophie de l’ego, est associée aux valeurs dominantes (en France) de l’athéisme et du matérialisme, on peut imaginer le peu de chance pour un authentique enseignement spirituel d’échapper à ce feu destructeur. Savoir réserver son jugement et approfondir avec patience sa recherche, aller au-delà de ce qui se dit sur le Net pour rencontrer la « moelle » de l’œuvre est la trousse d’urgence d’un surfeur averti. *****
Publié le : 01/06/2016