La tolérance est un héroïsme
Tel fut le constat de Montaigne, qui a consacré la deuxième partie de sa vie à dénoncer les mécanismes de l’intolérance, alors que les guerres de religion faisaient rage en France, couvrant d’un voile sombre les promesses de renouveau de l’humanisme de la Renaissance. Un scenario qui ne manque pas de rappeler celui que nous sommes en train de vivre, avec d’une part des brèches prometteuses ouvertes par la physique quantique et ses répercussions sur d’autres disciplines, et d’autre part la haine de l’autre qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
D’où nous viennent nos convictions, que nous défendons si âprement, telle une forteresse assiégée dès lors qu’un autre les met, d’une façon ou d’une autre en question ? Si nous examinons de manière rationnelle la racine de la plupart de nos certitudes, nous verrons qu’elles sont surtout fondées sur un héritage culturel et social. Nous avons accepté passivement, c’est-à-dire sans les questionner, la plupart des croyances sur les choses, les êtres ou les idées que notre environnement familial et social nous a transmis.
Pour prendre un exemple qui colle tristement à l’actualité, si nous voyons dans l’espace public un groupe de femmes voilées et que quelque chose en nous réagit par un mouvement de rejet et/ou de condamnation, c’est un autre groupe qui regarde et réagit à travers nous : notre famille, nos connaissances, l’école et autres institutions, et les médias. Où est celui ou celle que je suis ? Hélas, trop souvent ce « Je » qui devrait prendre les commandes dans toutes les situations que nous rencontrons se trouve encore enfoui dans les limbes de l’inconscient.
Autrement dit, c’est notre identité conditionnée qui réagit, qui se défend contre la menace d’une mise en question par une autre identité, un autre conditionnement. Voilà pourquoi il est héroïque de s’ouvrir à un point de vue différent. Mais vivre n’est-il pas une prise de risque ?
Publié le : 01/07/2015