La quête de la sagesse passe par un retournement
La désorganisation croissante de nos sociétés et les nombreuses détresses qu’elle engendre suscitent en retour une aspiration grandissante à des valeurs spirituelles, que l’on pourrait résumer par ces mots de Spinoza : existe-t-il un bien vrai, durable, capable de procurer une joie suprême, continue et inaltérable ? Une quête de sagesse surtout motivée par un intense désir d’échapper à la souffrance, et qui mène le long d’une route semée d’embûches, quand elle ne conduit pas à une impasse. Car dans les sociétés occidentales, qui restent un ilot de paix relative dans un monde tourmenté, prédomine la culture du confort et du bien-être individuel, la souffrance ressentie étant surtout celle d’une absence de sens.
Ainsi, pour un occidental, la ligne de moindre résistance dans la quête de la sagesse consiste en une sorte d’extension de la recherche du bien-être qui voudrait inclure une dimension plus élevée des valeurs sans pour autant renoncer à un état antérieur attaché aux jouissances « du monde », comme la reconnaissance sociale, le bonheur d’une relation satisfaisante, l’abondance matérielle ou la course aux loisirs. Or c’est seulement lorsque l’énergie vitale –la libido – se désinvestit de ces objectifs pour se tourner entièrement vers la nouvelle quête que la porte vers la sagesse s’ouvre véritablement, que l’étau de notre ego-centrisme se desserre suffisamment pour permettre l’accès à des points de vue plus universels. Ce moment de l’inversion des énergies, de réorientation profonde, désigné par le terme de « retournement » dans de nombreuses traditions, constitue toujours une crise intense.
Car on ne renonce jamais délibérément, par simple choix, à une condition antérieure, mais toujours par nécessité. « Lorsque l’élève est prêt, le maître se présente » affirment toutes les antiques sagesses. Mais le plus souvent, le maître commence par emprunter le visage de la destinée, qui renverse avec force les premiers obstacles à nos futurs progrès en nous dépossédant de tout ce qui nous arrime au passé. C’est seulement dans cette violence de la rupture avec le connu que le cœur cesse d’être sourd à l’appel de l’inconnu et qu’une véritable révolution intérieure devient possible. Une révolution que l’humanité est en train de vivre à une grande échelle ?
Publié le : 13/01/2016