La fin du monde, une hérésie, vraiment ?
Remise au goût du jour par Daech, la fin du monde est présentée partout comme un produit issu de la pensée magique, c’est-à-dire dénuée de toute rationalité. Pourtant, sur la planète, à chaque instant il y a une « fin du monde » pour des individus ou des groupes confrontés d’une manière ou d’une autre à une destruction de la forme dans leur vie individuelle ou collective : par les guerres, les accidents, les catastrophes naturelles, humanitaires, les revers de fortune ou simplement la mort naturelle. Et combien d’extinctions d’espèces ou de fins de civilisations la planète a-t-elle connu ? Rien ne nous est plus familier sur cette Terre que l’expérience de la perte, de la fin des choses, et tout le déni du monde – symptôme typiquement occidental – ne pourra nous en préserver.
Si toute forme matérielle est vouée à une destruction/désintégration, est-ce une hérésie de l’envisager à un niveau macrocosmique ? Non, puisque nous savons que notre Soleil s’éteindra dans environ 5 milliards d’années, entrainant de facto la fin de tout le système solaire. Plus près de nous, l’humanité et d’autres formes de vie sur Terre pourraient être en partie éradiquées par des déflagrations nucléaires, des virus, des éruptions volcaniques, etc. Une fin du monde, sous une forme ou une autre est donc possible. Est-elle probable ? Les trois monothéismes nous assurent de son inévitabilité, même si la tradition juive n’induit pas la violence destructrice que nous promettent le christianisme et l’islam. Reste à savoir ce que les prophéties eschatologiques (relatives à la fin du monde) signifient véritablement, par-delà une interprétation simpliste de premier degré.
Le terme apocalypse est la transcription d’un mot grec signifiant « révélation », dans le sens d’un dévoilement de Dieu aux hommes. Outre ce socle commun aux trois religions qui fondent notre civilisation –on ne peut ignorer que cette dernière recouvre à présent tous les continents par le « mal » de la marchandisation du monde -, nous trouvons l’idée d’un libérateur, d’une bataille finale entre le Bien et le Mal, d’une résurrection des morts et de la promesse d’une vie éternelle. Les traditions orientales parleraient de « libération de la roue des incarnations » et de karma, cette loi cosmique qui régit le monde de la forme et utilise l’aspect destructeur (le dieu Shiva) lorsque celle-ci s’écarte de trop du plan divin.
Si nous contemplons l’état du monde actuel avec lucidité, il est difficile de ne trouver aucun écho avec ces principes universels, que nous pouvons tous éprouver en nous-mêmes. Qui de nous a envie de participer consciemment au mal, et lorsque le bon sens populaire dit « ça ne lui portera pas bonheur », qu’est-ce d’autre qu’une perception intuitive de la loi karmique ? Reste à espérer que le Bien soit suffisamment présent dans le cœur de l’humanité pour que la destruction demeure mesurée…
Publié le : 10/02/2016