La hiérarchie est-elle un obstacle à notre épanouissement ?
Le petit d’homme est le seul, parmi les mammifères, à ne pas être rapidement autonome après sa naissance. Cette très longue période de dépendance aux instances parentales apprend à l’enfant, entre autres, les notions d’obéissance et de soumission et de ce fait grave à jamais dans sa conscience le concept de hiérarchie. Un inconvénient majeur pour l’épanouissement futur de l’adulte, selon l’ethnologue Françoise Héritier, pour qui la seule catégorie sociale capable d’échapper à cet enfermement de l’esprit et d’accéder à une véritable autonomie est celle des créateurs.
Bien sûr on peut déplorer cette obéissance aveugle, à la limite de l’absurde, qui peut nous conduire jusqu’ à des actes criminels en toute bonne conscience, comme l’a illustré Hannah Arendt dans son livre ayant pour sous-titre «la banalité du mal » : selon elle, les criminels nazis n’étaient pas des « monstres », mais au contraire des gens très ordinaires qui n’ont fait qu’obéir aux ordres de leur hiérarchie. On peut aussi regretter cette soumission passive aux multiples diktats de la société qu’on appelle « conformisme », qui nous enferme dans la banalité du quotidien.
Mais le psychologue objectera avec raison qu’une obéissance consciente et voulue est un acte de liberté et qu’un conformisme apparent peut masquer une grande liberté intérieure. Surtout, l’apprentissage dans l’enfance de l’obéissance et du sens de la hiérarchie, à travers la confrontation à une instance « supérieure » extérieure, pose les jalons de futurs dialogues et négociations avec notre « hiérarchie » intérieure : celle des valeurs, des priorités, etc. Ainsi, nous apprenons à soumettre l’instinct à la raison, un besoin égoïste au bien d’un Autre (une personne ou une cause) bref, une valeur moins importante, et dans ce sens inférieure, à une autre plus importante et donc supérieure. Tout n’est-il pas hiérarchie ?
Publié le : 28/05/2014