Gaïa, mythe fondateur d’une nouvelle religion ?
L’écologie, définie comme science des relations des organismes avec le monde environnant, n’a jamais été totalement séparée des spiritualités. Lorsqu’elle est devenue une préoccupation dépassant le cercle restreint de quelques chercheurs, après la déforestation massive qui a suivi la colonisation des Amériques, un intérêt parallèle s’est manifesté pour les croyances et les coutumes des peuples colonisés, les amérindiens, largement relayé sous la thématique du « bon sauvage »par des penseurs européens comme Locke, Thomas More, Montaigne et Rousseau.
Si le scientisme a séparé pour un temps la connaissance de la nature et la connaissance de l’âme, le chimiste et climatologue James Lovelock les a à nouveau réunies en démontrant que la biosphère se comporte comme une vaste entité autorégulée. En 1974, il a nommé cette entité « Gaïa », du nom de la déesse grecque de la Terre. L’écospiritualité était née. Depuis, elle n’a cessé de faire des émules …jusqu’à conduire à une nouvelle révolution ?
Selon l’historien brésilien Melo Franco, la Révolution française avait été largement inspirée par le mythe du « bon sauvage » véhiculé dans la littérature européenne entre le XVIe et XVIIIe siècle. Jacques Attali, économiste et écrivain proche du pouvoir en place, ne manque pas de souligner que l’alliance de l’écologie et de la spiritualité nous ferait courir le même risque, dépeignant ces nouveaux révolutionnaires comme des ennemis de la liberté et des démocraties – mais on peut lire entre les lignes qu’il craint surtout et stigmatise en eux les pourfendeurs du dieu Marché.
Si on devait attribuer une couleur à l’événement des « 24 heures de méditation pour la Terre », organisée en marge de la conférence pour le climat à Paris (Cop21) par une « bande de libertaires spirituels » (selon les mots du journaliste Patrice van Eersel), on y distinguerait bien plus nettement le vert de l’espoir et/ou de la guérison que le brun d’un fascisme latent. Cette joyeuse bande d’optimistes volontaristes, composée de pratiquants de la méditation issus de toutes les traditions et de personnalités émanant de toutes les disciplines (comme Edgar Morin, Pierre Rabhi, Patrick Viveret…) s’est relayée pendant 24 heures afin d’interpeller les négociateurs et le public sur un meilleur monde possible.
Gaia n’aura pas fini de faire parler d’elle, du moment que nous serons de plus en plus nombreux à la laisser parler en nous. Car si révolution spirituelle il y aura, elle sera avant tout intérieure.
Publié le : 24/02/2016