Connaissez-vous l’histoire soufie de l’éléphant dans le noir ?
Quatre habitants d’un village apprirent qu’un animal totalement inconnu dans la région, un éléphant, était parqué dans une étable. Impatients de découvrir à quoi ressemblait cette merveille, ils s’empressèrent vers l’étable, mais celle-ci n’étant pas éclairée ils devaient mener leur investigation dans le noir. Le premier, touchant la trompe, pensa que l’éléphant avait la forme d’un tuyau d’arrosage, un second sentit une oreille et en déduisait que c’était un éventail, le troisième toucha une patte et conclut qu’il s’agissait d’une sorte de pilier, enfin le dernier affirmait que l’animal avait la forme d’un trône après avoir caressé son dos. Aucun ne pouvait se faire une idée réelle de l’éléphant et tous revendiquaient leur point de vue comme seul valable.
Les soufis s’appuient sur cette histoire pour illustrer la perplexité/confusion dont font preuve les experts érudits à l’égard du soufisme, pratique ou plutôt quête spirituelle non dogmatique fondée sur l’expérience intérieure : certains y voient un héritage du christianisme mêlé de bouddhisme, d’autres le rattachent plutôt à la tradition hindoue, d’autres encore le perçoivent comme un néo-platonisme ou une réaction à l’intellectualisme de l’islam des lumières. Mais la métaphore de l’éléphant dans le noir peut également s’appliquer à la quête éternelle de la connaissance de l’Homme et de son rapport au cosmos, qui a donné naissance à une multitude de disciplines et de théories pour tenter d’expliquer le Réel.
Tant que les diverses théories et disciplines se combattront pour accéder à la primauté de la vérité, à l’instar de nos quatre villageois, il n’y a aucun espoir de parvenir à une synthèse des connaissances, à la réalité de l’éléphant. Seule une mise en perspective des différents champs de savoirs peut ouvrir cette voie. Prenons les deux croyances opposées que sont le monothéisme et le polythéisme : le chamanisme, l’animisme ou encore la mythologie gréco-romaine ouvrent notre imaginaire sur la possibilité de l’existence de nombreux dieux ; mais lorsqu’on considère la totalité dans laquelle tout est contenu, ne peut-on pas l’appeler le dieu unique ? Aucune théorie, idée, ou croyance n’est entièrement fausse, elle reflète un certain angle de vue et chaque point de vue gagnerait à s’ouvrir à d’autres afin d’élargir le champ de la compréhension.
Publié le : 16/07/2014